Article paru dans Permanences n°430, avril-mai 2006
Comdamnée par Clément XII dès 1738, puis par Léon XIII en 1884 (Humanum Genus), "la secte des francs-maçons" est largement présente dans les institutions de la III° République dont la politique laïciste conduit à la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905. Depuis une dizaine d'années, l'influence maçonnique dans les arcanes du pouvoir fait régulièrement la "une" des hebdo. Ascendant idéologique ou pouvoir occulte? Secte ou pas secte? Maurice Caillet, ancien Vénérable du Grand Orient de France, répond à ces questions.
Lorsque j'observe, avec le recul, ce que j'ai vécu pendant quinze ans dans les loges, je serai tenté de blanchir ces organisations philosophiques et philanthropiques de cette accusation et l'UNADFI ne me déméntira pas, qui est présidée par Catherine Picard, membre de la Grande Loge Féminine! En effet, l'organisation des loges de base qui gèrent les trois premiers grades (apprenti, compagnon, maître) est démocratique: élection des officiers et vénérable, comme du Grand Maître, pour une durée limitée à deux ans, déclaration à la Préfecture selon la loi de 1901; peu d'enseignement obligatoire, en dehors de la signification des rituels d'initiation; liberté d'expression en loge; cotisation raisonnable; démission prévue par les statuts.
Cependant, il ne faut pas oublier les origines, qui ramènent à l'ancienne définition théologique d'une secte: fondée par deux Pasteurs anglican et presbytérien, Anderson et Désaguliers, inspirés par le chrétien hérétique, Isaac Newton, la maçonnerie spéculative apparaît comme "un groupe de personnes qui ont une même doctrine au sein d'une religion" (Petit Robert): conception déiste de la divinité, rejet des dogmes et de la Révélation, prétention à se placer au-dessus de toutes les religions, origines mythiques et non kérygmatiques (légende d'Hiram).
De plus l'obligation du secret et de la participation à une réunion bimensuelle, les rituels stéréotypés entraînent selon le psychologue Janis une "pensée groupale" ou "pensée moutonnière", qui limite insensiblement l'esprit critique. Le désir d'accéder aux plus hauts grades amène l'adepte à se conformer aux idées dominantes, c'est-à-dire celles des maîtres qu'il suppose plus avancés que lui sur le chemin initiatique. Admis dans le système des Hauts Grades, jusqu'au 18°, j'ai pu constater la disparition de l'élection au profit de la cooptation, l'étanchéité entre les grades, l'ignorance des desseins des 33°, dont le Grand Commandeur, nommé à vie, qui n'hésite pas, comme Albert Pike, à prôner la vénération de Lucifer, Dieu du bien et de la lumière, face à Adonaï, dieu du mal et des ténèbres. Nouvelles hérésies!
Il faut ajouter les Fraternelles, que j'ai fréquentées, en l'occurence la Fraternelle des hauts fonctionnaires, Fraternelles qui regroupent des maçons de différentes obédiences et d'activités socio-professionnelles identiques, mais qui n'ont même pas de statut officiel au regard des obédiences, et où se nouent des alliances secrètes...et les loges sauvages non répertoriées, constituées d'au moins sept maîtres.
Si l'on considère les principes, ceux-ci sont séduisants voire séducteurs: liberté, égalité,fraternité, tolérance. Mais encore faut-il regarder ce qui se cache derrière les mots. La liberté, pour un chrétien est un moyen donné par Dieu à l'homme pour aller vers le bien; pour un maçon, c'est un but sans fin, destiné à assouvir son désir de jouissance, son hédonisme; en principe cette liberté maçonnique s'accompagne du respect d'autrui, mais que font-ils du respect de l'embryon dans le cas de l'IVG et des manipulations scientifiques qu'ils ont fait voter, et du respect de l'handicapé et du vieillard dans le suicide assisté et l'euthanasie qu'ils proposent: s'agit-il d'un humanisme sans humanité?
L'égalité chrétienne tient au fait que nous sommes enfants du Père, frères et soeurs du Fils, dans la diversité des dons et charismes. L'égalité maçonnique, qui va jusqu'à un égalitarisme utopique, est aussi un leurre, puisqu'il y a une barrière entre les profanes et les initiés et qu'à l'intérieur même des obédiences il y a jusqu'à trente-trois grades, étroitement cloisonnés. La fraternité chrétienne ou charité est universelle et va jusqu'à l'amour de nos ennemis. La fraternité des maçons se limite bien souvent à une solidarité entre "frères" parfois au mépris des lois de la République, qu'ils ont appelé de leurs voeux. La tolérance est aussi en priorité à usage interne, car l'animosité contre l'Eglise de Rome et son magistère est manifeste dans toutes les obédiences, même celles qui se prétendent spiritualistes.
Sur le site de l'ADFI, on trouve cette définition des sectes qui semble bien s'appliquer ici: "organisations spécialisées dans la mise sous dépendance dont les objectifs réels sont très éloignés de leurs thèmes de séduction".